Longtemps, j’ai vécu ces moments comme une absence, une inquiétude, un désert.
Je me demandais si quelque chose s’était éteint en moi. Si je n’étais plus artiste. Si la source s’était tarie. La toile blanche devenait alors un miroir implacable, révélant mes doutes, mes peurs, mon impatience. Je me sentais coupée de cette force invisible qui, d’habitude, anime mes mains et fait jaillir les couleurs.
Et puis, au fil du temps, j’ai appris à accueillir ces silences.
Aujourd’hui, je les reconnais comme des espaces sacrés.
Des pauses nécessaires où tout semble s’arrêter, mais où, en réalité, quelque chose se prépare — en profondeur.
Ce n’est pas une absence. C’est une respiration.
Ces temps de blanc me permettent de me retrouver. Ils m’invitent à plonger en moi, à écouter autrement, à laisser l’agitation s’apaiser. Ils sont comme une nuit noire avant l’aube, comme un sol en jachère avant les moissons. L’inspiration n’est pas absente. Elle se repose. Elle attend. Elle mûrit.
Dans ces intervalles silencieux, je médite, je marche dans la nature, je lis, je laisse la vie me traverser doucement. Et un jour, sans prévenir, la flamme revient. Le geste se fait à nouveau juste. L’élan se remet à circuler. Et je crée, nourrie par ce vide devenu plein.
Chaque tableau né après ces silences porte en lui une profondeur nouvelle, une vibration plus ancrée, plus authentique.